Nous sommes en 1998. La France s'apprête à remporter sa 1ere Coupe du
monde de football et accessoirement à nous casser les rouleaux pendant un trop long
moment avec cet exploit jamais réitéré depuis je te rassure.
Cette conne de Rose n'a pas été fichue de faire
une petite place à Jack sur son radeau de merde, si bien que le malheureux a
fini sa vie comme un Croustibat en se farcissant du Celine Dion à plein volume, je me demande d’ailleurs si c’est vraiment le
froid qui l’a tué ou s’il n’a pas plutôt succombé à une rupture fatale du
tympan doublée d’une overdose auditive. (si si ça existe! On voit bien que tu
n’as jamais entendu René la taupe…)
L'adoption des 35h a définitivement consacré
l’hexagone au rang de "nation de glandus" aux yeux de ses besogneux voisins d’Europe
et d’ailleurs.
Ta vie à toi ressemble plus au naufrage du Titanic qu’à l’ascension
fulgurante des Bleus dans les yeux. Tu rames, tu pagaies, tu coules, tu
t’agites et tu te noies gentiment dans l’indifférence presque totale…
A l’âge des premiers flirts, des premières amours, des premières cuites,
des premiers joints, tes expériences les plus folles à toi ce sont l’anorexie
et le harcèlement scolaire, youpi.
Ta balance va descendre jusqu’à 38 kilos, poids moyen d’un enfant de 12
ans ou d’un berger allemand, alors que ton compteur d’ami-e-s va lui désespérément
stagner à 2 ou 3.
Il s’appelle Johan ou Yoann on s’en fout un peu parce que, que ce soit
avec un J ou un Y, avec ou sans H, ça
reste un sale petit con. Un sale petit con qui, au début de l’année scolaire,
te parle, te sourit, fait même un bout de chemin avec toi le soir en rentrant
du lycée, bref qui semble t’apprécier ou
du moins ne pas te détester. Ce même sale petit con qui, quelques mois plus
tard, te prendra visiblement pour cible et prendra surtout son pied à rallier à
sa cause les 80% de ta classe. Le petit con est influent, il ne recule devant
rien, forcément, c’est un petit con. La
brebis galeuse, le vilain petit canard, la meuf à abattre, appelle ça comme tu
veux, mais ce que tu vas être pendant de trop nombreux mois. Ta balance qui
affichait encore des chiffres décents en début d’année va descendre d’une
première dizaine, puis d’une seconde… peut être que tu te disais qu’en devenant fine comme un Mikado, tu pourrais plus facilement te cacher derrière un arbre,
derrière un poteau, derrière n’importe quoi pour qu’on t’oublie, pour qu’on te
foute la paix, pour qu’on te laisse vivre ta vie d’ado de 16 ans qui méritait
autre chose que les quolibets, la jalousie, la méchanceté d’une horde de jeunes
cons pré-pubères.
Comme tu peux le constater, 17 ans après, cette histoire te rend
toujours aussi vénère… Mais sois heureuse finalement d’avoir vécu ça en 1998
quand Internet, Facebook, Twitter, et tous ces déversoirs de haine et relais du
harcèlement scolaire dans la rue, chez toi, dans ta chambre, partout,
n’existaient pas. Je ne sais pas comment tu aurais géré ça, si te transformer
petit à petit en squelette aurait suffi à effacer la tristesse et la douleur
d’une situation qui t’aurait dépassée.
Les années passeront, tu reprendras des joues, tu conserveras la haine
de ce garçon qui t’a sans doute volé une partie de ce qui aurait du être tes
plus belles années. Tu garderas malgré tout des amis de cette période, une en
tout cas, que tu choisiras comme marraine de ta fille… eh oui car tu vas avoir
un enfant, et même 2 ! Toi qui craignais tellement de ne pas pouvoir
devenir mère après avoir effacé tout ce qui faisait de toi une femme. Tu
retourneras à Rome et tu aimeras cette ville que ce voyage scolaire avec tes
bourreaux t’avait fait haïr en 1998. Tu te feras avoir encore une fois ou 2,
peut être 3, à être « trop bonne trop conne » comme on dit. Mais ça
je pense que c’est inscrit dans tes gênes tu n’y peux pas grand chose, il faut
juste apprendre à vivre avec et limiter les dégâts. Ta fille semble être
d’ailleurs faite du même bois, tu devras lui apprendre. Lui apprendre à être
vigilante, mais aussi lui apprendre à ne
pas laisser un camarade de côté, à repérer celui ou celle que l’on rejette,
celui ou celle dont on se moque, celui ou celle que l’on frappe, prendre sa
défense, même si cela signifie s’élever contre la majorité des autres enfants
de sa classe. Il n’y a rien qui pourra la rendra plus fière.
Ah si! Une chose peut être: par pitié, tu m’épileras ces sourcaïls de
troll des bois parce que là la sourcillade en mode Emmanuel Chain ma séériiie c’est
pas poussible, c’est pas moderne, c’est la CA-TA-STRO-PHE ! Enfin tu es toute pardonnée va, nous sommes en 1998 après tout.
« I will survive » entendait-on partout cette année là. Pour toi qui as toujours aimé écrire ta vie en chansons, ce titre était en fait résolument prémonitoire…Parce que tu es là, en chair plus qu'en os, parce que tu as parcouru plus de chemin que tu n'aurais pu l'imaginer, parce que tu apprends, enfin, petit à petit à t’affirmer et à dompter tes démons et parce qu'on est les champions oui ou merde?!
PS pour Y-Jo(h)an(n) : vas chier, ptit con